S’adapter… Pour le meilleur ou pour le pire?

Il n’est pas un jour sans qu’une publication ou prise de parole nous encourage à nous adapter, au changement, à l’environnement, aux aléas… Mais cela, tout le monde sait le faire par nature, et en permanence. C’est le principe du vivant que de s’adapter tout en maintenant un état d’équilibre viable.

Mais alors comment pouvons-nous en arriver à nous adapter au point de nous rendre malade, physiquement, psychologiquement, voire les deux? C’est qu’il ne s’agit plus là d’adaptation, mais de suradaptation.

En effet, une sur-sollicitation de nos capacités adaptatives conduit tôt ou tard à une usure de nos ressources; à une perte de lucidité; et à une insatisfaction grandissante. Cette dynamique mène à l’épuisement.

Le psychologue québécois Denis Doucet décrit¹ ce mécanisme: «Tout organisme vivant soumis à des caractéristiques environnementales inverses à sa nature va progressivement dépérir, ses besoins ne trouvant plus une réponse suffisante pour assurer son plein développement».

Pour ce que nous pensons être de bonnes raisons, nous produisons des efforts en continu. Notre champ de vision se réduit et nous laissons de côté quelque chose d’essentiel à notre équation personnelle.

Les tensions qui en découlent à tous niveaux peuvent faire des ravages en nous-mêmes comme autour de nous.

Retrouver son bon sens 

Avec beaucoup d’authenticité, un participant à l’un de nos séminaires témoignait de la façon dont il s’était suradapté pendant trois ans à son patron «intouchable, agressif et manipulateur». Pour s’adapter à ce fonctionnement hors normes, il avait «rétracté» ses capacités de communication. Il avait progressivement cessé d’affirmer toute idée et toute créativité personnelles. Mais l’énergie dépensée tous les jours était immense et il avait fini par perdre le sourire. Le cœur n’y était plus. Il avait ainsi survécu professionnellement à un prix élevé: insomnies, tristesse, sidération… Mais il avait tenu bon, soutenu par sa famille et ses collaborateurs et pratiquant régulièrement la natation pour évacuer une partie des tensions.

Un jour qu’il nageait lors de son entrainement hebdomadaire, une évidence s’imposa à lui… Il aimait son métier mais plus le contexte dans lequel il l’exerçait. Il était compétent, mais son patron «kidnappait» toutes ses réussites et cette situation, connue de tous, était finalement grotesque. Pourquoi continuer ainsi, pour assurer quoi? Un grade de management supplémentaire et des félicitations qui ne viendraient jamais? Une augmentation de salaire ou encore une image idéalisée de lui-même et une réussite que son entourage admirerait? La réponse lui vint sans appel: sa carrière allait attendre, son miroir aussi. Ces contorsions épuisantes n’avaient plus aucun sens.

A la recherche de modalités managériales saines, il demanda la possibilité de faire une mobilité dans une autre unité, prêt à prendre un poste de moindre envergure. Il explora aussi d’autres pistes à l’extérieur. Le hasard voulut que deux mois plus tard, son patron prit d’autres responsabilités. Avant de partir, il ne manqua pas de lui dire qu’il avait fait du bon travail, en grande partie grâce à lui…

Ainsi, le défi n’est pas de nous adapter; il est d’éviter de nous suradapter.

Plus nous sommes au clair sur nos besoins essentiels et vivifiants, plus nous savons à quoi nous ne voulons pas nous adapter.

Plus tôt nous détectons les signaux adverses à notre «bon sens», plus vite nous décidons d’options préférables pour nous.

(1)   Denis Doucet, Le principe du petit pingouin, Editions Marabout, 2018.

Cet article fait partie d’une mini-série sur les capacités d’adaptation.